Michel R. Campbell Ph.D.

Membre de l’Ordre des psychologues du Québec

La peine d'amour

La plupart des personnes ont vécu, à un moment ou l'autre de leur vie, une peine d'amour. L'été, diront certains, est une période qui favorise l'amour. Plusieurs reconnaîtront que les vacances et les voyages sont souvent associés à de nouvelles rencontres amoureuses, et cela, plus particulièrement chez les adolescents. La rentrée scolaire, quant à elle, est une période où la rupture est parfois nécessaire, souvent pour des raisons géographiques. Par exemple, les jeunes amoureux vivent loin l'un de l'autre ou ne fréquentent pas les mêmes écoles, si bien que le retour au bercail permet difficilement de poursuivre la relation.

La rentrée scolaire permet également de nouvelles rencontres et, par conséquent, d'autres ruptures amoureuses et des peines d'amour. Il faut dire qu'à tout âge la peine d'amour est difficile à vivre et, dans certains cas, certaines personnes vont jusqu'à se demander si la vie vaut la peine d'être vécue sans l'être aimé.

L'angoisse de séparation

La peine d'amour est conceptualisée par certains spécialistes comme une situation de crise comparable à celle produite par la mort subite d'un être proche. Selon le Dr Bowlby, un éminent chercheur sur la Théorie de l'attachement, l'angoisse de séparation est l'élément central dans une situation de perte. Ainsi, plus la personne est attachée à l'autre, plus la crise est importante lorsqu'il y a rupture, ou si vous préférez, perte de l'être aimé. C'est sûrement pour cette raison que les parents deviennent inquiets lorsqu'ils constatent que leur enfant est très attaché à l'être aimé.

Le processus d'attachement

Le processus d'attachement aux parents durant l'enfance et les difficultés de dépendance affective durant la vie adulte sont souvent reliés. Même si les peines d'amour sont toujours difficiles, certaines s'estompent plus rapidement ou s'intègrent mieux que d'autres. Comme le disait si bien Henri Laborit dans son livre Éloge de la fuite : " La douleur est grande à la perte d'un être cher parce que nous l'avions intériorisé et qu'il était partie intégrante de nous-mêmes. Cette perte est vécue comme une amputation à froid de notre vie. Ce n'est pas lui que nous pleurons, c'est nous-mêmes. Nous pleurons cette partie de lui qui était en nous et qui était nécessaire au fonctionnement harmonieux de note système nerveux. " Ainsi, la personne qui est en train de vivre une peine d'amour a souvent l'impression, mais ce n'est qu'une impression, qu'elle ne pourra jamais être heureuse.

Le deuil

La peine d'amour est ni plus ni moins qu'une expérience de deuil où nous nous rendons compte de notre fragilité. Nous sommes presque toujours confrontés à l'importance que nous accordons à l'amour dans notre existence. Selon le Dr Kubler-Ross, éminente spécialiste du mourir et du deuil, le processus de deuil associé à la peine d'amour est semblable au processus de deuil qui suit le décès d'un proche : le choc, la déstabilisation et la dépression, l'incubation, c'est-à-dire l'adaptation à l'absence et la préparation à la nouvelle réalité, et la réorganisation progressive, c'est-à-dire les changements qui mènent au réinvestissement.

Évidemment, chaque étape diffère d'une personne à l'autre tant en intensité qu'en durée. Selon les circonstances, et l'intensité de l'attachement, certaines étapes sont plus difficiles que d'autres, ou encore, certains deuils sont plus compliqués que d'autres. Au bout du compte, la personne doit parvenir à se détacher et à réinvestir son énergie mentale et affective dans d'autres sources d'attachement.

L'épreuve

La peine d'amour est sans aucun doute une épreuve difficile à surmonter. À cet effet, une étude menée parmi des thérapeutes révèle que l'alcoolisme est le problème le plus difficile à traiter suivi des difficultés amoureuses comme, par exemple, la peine d'amour. Évidemment, plus on en sait sur le sujet, plus on peut s'aider ou aider les autres. Pour plus d'information, je vous recommande de lire : " Surmonter l'épreuve du deuil " par Roger Régnier et Line St-Pierre. Mes salutations à tous.

Comme mentionné précédemment, la Théorie de l'attachement de Bowlby nous aide à mieux comprendre la complexité des liens d'attachement. Ainsi, après avoir observé les diverses réactions de jeunes enfants séparés de leurs parents, surtout de la mère, le Dr Bowlby en est venu à décrire certains types de réactions lorsque le lien d'attachement est rompu. En fait, il y a des similarités réactionnelles chez l'enfant et l'adulte lorsqu'il y a rupture du lien d'attachement.

Comme vous pouvez le constater, la théorie de l'attachement permet de mieux comprendre les difficultés amoureuses ou d'attachement et, plus particulièrement, la réaction de l'endeuillé dans un contexte d'angoisse de séparation, ou si vous préférez, dans une situation de peine d'amour.

La rupture

La plupart du temps, lorsque qu'on sépare un très jeune enfant du parent auquel il est très attaché, la réaction est vive. L'agitation, les difficultés de concentration, les problèmes de sommeil, l'anxiété, la peur, la colère et la dépression caractérisent l'enfant en situation de rupture. Les réactions se manifestent aussi lorsque l'adolescent ou l'adulte est en deuil d'une relation amoureuse. En général, la peine d'amour comprend trois stades, soit le choc, le désespoir et le recouvrement.

Le désespoir

Dans un ouvrage fort intéressant sur le deuil " Survivre au deuil ", Isabelle Delisles, infirmière et andragogue, décrit le désespoir comme le stade qui suit la prise de conscience de la réalité de la perte. Durant le stade de désespoir, explique-t-elle, la personne ressentira une profonde tristesse et une grande dépression. Durant ce stade, la meilleure intervention pour venir en aide à une personne endeuillée ou en peine d'amour est de la laisser donner libre cours à ses larmes et à ses paroles. Cette période de ventilation des émotions est souvent nécessaire, à mon avis, pour faciliter l'accès au stade de recouvrement.

Le désespoir chronique

L'aide d'un professionnel s'avère souvent nécessaire lorsque le désespoir persiste. On peut donc parler de chagrin normal et de chagrin anormal. Les pleurs, l'impression d'être perdue, la perte d'appétit et les douleurs au niveau de l'abdomen peuvent durer de quelques semaines à quelques mois. Si cette situation dure au-delà de six mois, il y a lieu de consulter un professionnel de la santé. Le désespoir chronique correspond souvent à une dépression majeure. Pour certaines personnes, le deuil peut être échelonné sur une période de deux ans. L'important, c'est qu'il y ait une amélioration graduelle ou constante de l'humeur.

Le recouvrement

Certaines stratégies peuvent faciliter le recouvrement. Au début, évitez de retenir vos émotions ou de cacher votre peine. Occupez-vous le plus possible par des sorties, comme le cinéma, le théâtre, les activités sociales et sportives. Évitez surtout de vous isoler. Fréquentez vos amis et votre famille, mais surtout ceux que vous aimez. Évitez l'alcool et les drogues, ils risquent d'exacerber votre chagrin. Prenez soin de votre corps, les exercices comme la marche, la course, le vélo, etc., risquent de faire diminuer l'anxiété, en plus de sécréter des endorphines, un produit naturel avec des propriétés euphorisantes. Certains intervenants recommandent d'éviter de communiquer ou de voir votre ex. Plus vous serez en contact avec cette personne, moins vous facilitez le recouvrement et plus vous risquez de réactiver le désespoir et la peine.

En général, les deux premiers mois sont les plus difficiles. Du deuxième au sixième mois, vous serez probablement en période d'ajustement et de réorganisation de votre vie. Lorsque vous passerez quelques jours sans penser à l'ex, cela sera un bon signe qui signifie que vous vous dirigez probablement vers la phase de recouvrement. Celle-ci est surtout caractérisée par le goût de rencontrer de nouvelles personnes.

Certains disent que le meilleur remède à une peine d'amour est de tomber amoureux d'une autre personne !

Lectures recommandées :

  • Colgrove, M., Mc Williams, P., Bloomfield, H. How to Survive the Loss of a Love. Prelude Press/Mary Books, 1993

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Préparé par le Dr Michel R. Campbell, psychologue et sexologue

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