Michel R. Campbell Ph.D.

Membre de l’Ordre des psychologues du Québec

La personnalité antisociale

Pour le commun des mortels, le psychopathe est un malade mental qui tue pour le plaisir, comme Hannibal Lecter joué par Anthony Hopkins dans le film «Le silence des agneaux». Les tueurs et violeurs en série et les tueurs psychotiques sont souvent appelés psychopathes.

Au début du siècle, le terme psychopathe était surtout utilisé pour décrire les criminels dont ont croyait que le problème était dû à un défaut génétique. Toutefois, vers la fin des années 60, la recherche a démontré que la minorité des criminels avait un profil génétique XYY, soit une anomalie de la vingt-troisième paires de chromosomes. La recherche montre même que la plupart des personnes avec ce profil n'avaient aucune histoire criminelle. Cette thèse fut donc abandonnée.

La sociopathie

Certains chercheurs en sociologie ont suggéré de remplacer le terme psychopathe par sociopathe pour décrire les criminels récidivistes. Ce terme, croyaient-ils, tenait davantage compte des causes réelles de la criminalité, soit la mésadaptation sociale. D'ailleurs, plusieurs spécialistes croient que la criminalité s'explique surtout par la relation entre l'individu et la société. La pauvreté, par exemple, est davantage liée à la criminalité que les maladies mentales.

La personnalité antisociale

En psychologie, le terme «personnalité antisociale» a remplacé le terme «psychopathe» pour mieux décrire les individus sans remords qui s'engagent de manière impulsive et récurrente dans des comportements violents et immoraux au détriment d'autrui. Tous les criminels n'ont pas nécessairement une personnalité antisociale. En fait, ce diagnostic est surtout réservé aux des individus qui présentent un ensemble de caractéristiques antisociales intégré dans leur personnalité. À cet effet, il est estimé que la prévalence de ce problème est de 3 % chez les hommes et de moins de 1 % chez les femmes.

En général, les individus ayant une personnalité antisociale présentent des problèmes comportementaux depuis l'adolescence. Par exemple, ils ont une histoire d'école buissonnière, de fugue, de vol, de taxage, de vandalisme et de violence physique. Certains présentent également une histoire de cruauté physique envers des animaux.

À l'âge adulte, les problèmes comportementaux s'aggravent. Évidemment, ces personnes ont de la difficulté à trouver ou à garder un emploi. Lorsqu'ils ont des problèmes avec la loi, ce n'est jamais de leur faute. Ils sont souvent des menteurs invétérés et de grands manipulateurs. Ainsi, ils s'engagent sans scrupule dans des comportements criminels ou antisociaux. Dans la vingtaine, ils ont déjà un dossier criminel bien garni et connaissent très bien le milieu carcéral.

L'égocentrisme

Ces individus sont surtout préoccupés par leurs propres besoins et se soucient peu des droits d'autrui. Ils cherchent constamment à exploiter autrui et il est difficile de leur faire confiance. La négligence et l'irresponsabilité font partie du problème. Plusieurs d'entre eux se retrouvent sur la page frontispice du journal ou, tôt ou tard, sous la rubrique de nécrologie. Certains passent à l'histoire pour leurs crimes scabreux. Souvent, ils sont de piètres parents qui abusent psychologiquement et physiquement de leurs enfants. Plus souvent qu'autrement, leurs enfants ont des carences affectives importantes.

Les critères diagnostiques

Selon le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-IV), les critères sont:

A. Mode général de mépris et de transgression des droits d'autrui qui survient depuis l'âge de 15 ans, comme en témoignent au moins trois des manifestations suivantes:

(1) incapacité de se conformer aux normes sociales qui déterminent les comportements légaux, comme l'indique la répétition de comportements passibles d'arrestation ;

(2) tendance à tromper par profit ou par plaisir, indiquée par des mensonges répétés, l'utilisation de pseudonymes ou des escroqueries ;

(3) impulsivité ou incapacité à planifier à l'avance ;

(4) irritabilité ou agressivité, indiquées par la répétition de bagarres ou d'agressions ;

(5) mépris inconsidéré pour sa sécurité ou celle d'autrui ;

(6) irresponsabilité persistante, indiquée par l'incapacité répétée d'assumer un emploi stable ou d'honorer des obligations financières ;

(7) absence de remords, indiquée par le fait d'être indifférent ou de se justifier après avoir blessé, maltraité ou volé autrui ;

B. Âge au moins égal à 18 ans ;

C. Manifestations d'un Trouble des conduites débutant avant l'âge de 15 ans ;

D. Les comportements antisociaux ne surviennent pas exclusivement pendant l'évolution d'une Schizophrénie ou d'un Épisode maniaque.

Les sujets peuvent ressentir de la dysphorie et se plaindre de tension, de ne pas pouvoir tolérer l'ennui et d'une humeur dépressive. Il y chez eux l'association de Troubles anxieux, de troubles dépressifs, de troubles liés à une substance, de Somatisation, de Jeu pathologique et d'autres Troubles du contrôle des impulsions.

Ces personnalités peuvent accuser leurs victimes d'avoir été stupides, de ne pas savoir se débrouiller ou de mériter leur sort. Ils peuvent penser que chacun se bat pour ses propres intérêts et que tout est bon pour ne pas se laisser marcher sur les pieds (DSM-IV).

L'alliance thérapeutique

Il va sans dire qu'il est très difficile de traiter les personnalités antisociales. Souvent, ils arrivent en consultation avant la sentence d'un crime et leur objectif est surtout de bien paraître devant le juge. Dans d'autres, ils ont une capacité d'introspection limitée, c'est-à-dire une difficulté à s'analyser et à se remettre en question. Par impatience ou par manque de persévérance, ils ont tendance à abandonner la thérapie.

Pour aider ces personnes, à mon avis, le thérapeute doit être capable de développer une très bonne alliance thérapeutique, c'est-à-dire créer un climat de confiance sans jugement qui permet le dévoilement de soi. Ce n'est qu'à partir de ce moment, que ces individus acceptent de se remettre en question. Même si le taux d'efficacité n'est pas très élevé pour ce genre de problème, il est très agréable d'observer des changements d'attitude. Évidemment que c'est un gros défi, mais le jeu en vaut la chandelle.

Bibliographie :

  • American Psychiatric association, DSM-IV, Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux. Traduction française, Paris, Masson, 1996.
  • Beck, J.S., Cognitive Therapy of personnality Disorders in P. M. Salkovskis, Frontiers of Cognitive Therapy, Guilford Press, 1996.
  • Cottraux, J. et Blackburn, I.M.. Thérapies cognitives des troubles de la personnalité. Masson, 1995.
  • Cousineau, P., L'approche cognitive et les troubles de la personnalité dans la Revue québécoise de psychologie, vol. 16, no 2, 1995.
  • McGinn, L.K. and Young, J.E., Schema-Focused Therapy in P. M. Salkovskis, Frontiers of Cognitive Therapy, Guilford Press, 1996.
  • Stein, D.J., Young J.E., Schema Approach to Personnality Disorders, dans D.J. Stein, J.E. Young, Cognitive Science and Clinical Disorders, Academic press, 1992.
  • **Young, J.E. et Klosko, J.S., Je réinvente ma vie, Les Éditions de l'Homme, 1995 (version anglaise 1993).

Préparé par le Dr Michel R. Campbell, psychologue et sexologue

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N.B. Le but de cet article est d'informer le lecteur concernant les caractéristiques associées à une maladie mentale. Seulement un professionnel de la santé qualifié peut évaluer ce genre de maladie.

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