Michel R. Campbell Ph.D.

Membre de l’Ordre des psychologues du Québec

Le risque

La roulette russe est un jeu de duel qui montre bien le goût du risque dans sa forme la plus extrême. Ce jeu morbide consiste à mettre aléatoirement une balle dans le barillet d'un revolver et, par la suite, de se pointer l'arme sur la tempe et tirer à tour de rôle jusqu'à ce qu'il y ait un perdant. L'objectif : vivre des sensations fortes.

Le goût du risque

À l'époque où j'enseignais à l'université, j'avais demandé aux étudiants de lever leur main s'ils s'étaient déjà engagés dans un comportement à risque durant l'adolescence, comme conduire une voiture jusqu'à sa limite de vitesse. Plus de la moitié de la classe a acquiescé.

En effet, chez les ados, ce comportement est relativement fréquent et il s'explique, en partie, par l'inexpérience et l'immaturité. Les jeunes ont de la difficulté à se représenter pleinement les conséquences de certains gestes et ils sous évaluent les possibilités d'erreurs, si bien qu'ils s'engagent naïvement dans des comportements pour vivre des sensations fortes.

L'exemple de Francine

Francine me fait frissonner lorsqu'elle me raconte ses aventures sexuelles sans l'utilisation du condom. Dans son cas, ce n'est pas une question d'ignorance, c'est le danger qui l'excite.

La vie de Francine était monotone et peu stimulante. Secrètement, elle voulait mourir. Elle m'a déjà dit que si elle en avait le courage, elle se suiciderait. Son mal de vivre était temporairement remplacé par la promiscuité sexuelle et les comportements à risque. «Le destin décidera pour moi» m'a-t-elle déjà dit. En fait, sans le savoir, les comportements à risque avaient un effet stimulant sur son humeur déprimée. Après un certain temps, elle était devenue dépendante du risque. Dans son cas, ses comportements reflétaient une carence affective ou un besoin d'amour. Ses réflexions lui ont permis de découvrir, entre autres choses, qu'elle était déprimée et que cette situation était intimement reliée à son mode de vie, à ses valeurs et à une faible estime de soi.

L'exemple de Stéphane

À 2 heures du matin, roulant à pleine vitesse, il s'amuse à passer sur les feux rouges. «Mes amis capotent», me dit-il. «Un bon jour, il risque de capoter et d'en tuer quelques-uns», me suis-je dit. Stéphane est également dépendant des sensations fortes et de l'adrénaline.

Comme Stéphane, certains individus ont besoin de montrer qu'ils sont forts, invincibles et qu'ils n'ont peur de rien. Lorsqu'ils s'engagent dans des comportements à risque, ils sont le centre d'attention, un peu comme la vedette du groupe. La plupart du temps, ces personnes ont une piètre estime de soi et c'est leur façon de se valoriser, de faire parler d'eux et d'être le «King». Ils ont l'impression qu'ils n'ont rien d'autre à offrir et ils souffrent souvent d'isolement émotif. Ces comportements peuvent également combler un besoin d'identité existentielle. Stéphane me disait que c'était le seul temps où il avait l'impression d'être quelqu'un.

Stéphane avait également une pauvreté imaginaire. En fait, il avait de la difficulté à imaginer les conséquences tragiques d'un accident de voiture. Il a donc fallu simuler un accident à travers des exercices en imagination afin qu'il réalise les conséquences réelles. Contrairement aux phobiques qui ont une imagination très fertile, ceux qui prennent de gros risques ont peu d'imagination. En fait, l'imagination c'est un peu comme la mémoire, on peut apprendre à l'améliorer. Il a également conscientisé qu'il pouvait attirer l'attention d'une manière plus adéquate, par exemple, en apportant de l'aide ou en rendant des services. Aussi, il a réalisé qu'il pouvait vivre des sensations fortes d'une manière constructive, comme apprendre à parler devant un groupe, ce dont il était incapable.

L'exemple de Philippe

La sensation forte atteint son apogée lorsqu'il risque sa paye au Casino. "Le coeur veut me sortir du corps", me raconte-t-il. "Lorsque je gagne, c'est une victoire sur la destinée et je suis le héros" Le hic, c'est qu'il se sent souvent comme un zéro. Philippe vit de l'aliénation au travail et des problèmes conjugaux. Les jeux de hasard sont sa façon de s'évader de ses problèmes.

Vouloir toujours risquer pour avoir des sensations fortes peut être un signe qu'il y a quelque chose qui ne va pas. Le jeu en vaut-il la chandelle ?

Préparé par le Dr Michel R. Campbell, psychologue et sexologue

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