Michel R. Campbell Ph.D.

Membre de l’Ordre des psychologues du Québec

La colère

Les sept péchés capitaux sont : l'orgueil, l'avarice, la luxure, l'envie, la gourmandise, la paresse et, le dernier et non le moindre, la colère. Les scientistes ont tendance à dire que la colère est plus qu'un péché capital, c'est un péché qui peut être «mortel».

«Je me fâche tellement que je casse tout, je peux presque tuer», me disait Jean-Claude. «Lorsque je suis en colère, je me mets à crier après tout le monde et je ne suis plus capable d'arrêter», m'expliquait avec gêne une directrice d'entreprise.

Sortir de ses gonds n'est pas anormal en soi, mais il y a des personnes qui sont colériques ou presque toujours en colère. Lorsque j'étais enfant, j'étais toujours surpris par l'irascibilité du capitaine Haddock dans les Aventures de Tintin, disons que la moutarde lui montait assez facilement au nez. Je me souviens aussi du Capitaine Bonhomme qui donnait des couleurs à ses colères pour en décrire leur intensité, «Il fit une colère rouge ou peut-être même une noire», là c'était grave!

L'inné et l'acquis

Il n'y a pas de doute que cette émotion existe dès la naissance et qu'elle appartient au caractère fondamental de la personne. Certains désignent la colère comme une émotion primaire ou fondamentale, car elle est au centre du moi. Le bébé humain, pas plus que celui du chimpanzé, n'a besoin d'apprendre comment faire une colère. Les parents apprennent assez rapidement comment distinguer les types de pleurs chez leur nouveau-né: soit qu'il est lié à la faim, à la douleur ou à la colère.

Par ailleurs, on sait que l'expression de la colère varie selon la culture. Par exemple à Bali, elle se manifeste par une plus grande douceur de langage; en Chine, par le regard fixe et les yeux arrondis. Au fait, mon père avait peut-être des origines chinoises! En Occident, lorsqu'un enfant a tendance à crier, trépigner et se rouler par terre, les parents ont tendance à le punir et l'enfant finit par apprendre à se contrôler. On remarque donc que lorsque les enfants vieillissent, c'est-à-dire à partir de l'âge de trois ans, les crises émotionnelles diminuent. Par exemple, une étude rapportait que chez les enfants normaux, environ 60% des enfants de trois ans faisaient des colères avec une fréquence modérée et environ seulement 15% en faisait encore à l'âge de quatorze ans.

La colère saine

L'expression des émotions est vue comme un comportement à encourager puisqu'elle a une fonction libératrice. En général, lorsqu'une émotion est exprimée, il y a une diminution de la tension dans l'organisme. De plus, c'est une excellente façon de communiquer notre état d'âme tout en encourageant l'intimité.

La colère est une émotion souvent légitime et, en principe, il est important de l'exprimer au même titre que les autres émotions comme, par exemple, dans un contexte de frustration ou d'injustice. L'expression de la colère peut être également considérée comme de l'affirmation adéquate de soi. Encore, faut-il l'exprimer adéquatement!

La colère malsaine

La bouderie et la crise de nerfs sont deux façons, à mon avis, malsaines d'exprimer la colère puisqu'elles ne sont que rarement constructives. Dans le cas de la bouderie, une forme de comportement passif-agressif, on exprime passivement son agressivité ou sa colère. Plus souvent qu'autrement, ce comportement «ou cette cruauté mentale» exacerbe les hostilités et encourage la contre-attaque passive-agressive ou active-agressive. Quant à la crise de nerfs, elle correspond à la perte de contrôle au niveau des attaques verbales et physiques. Le but est plus destructeur que constructeur en plus d'avoir un impact, dit-on, dévastateur sur soi.

La colère pathologique

Certaines personnes me racontent qu'elles explosent pour des événements relativement anodins. Par exemple, lorsqu'il y a des embouteillages, lorsque le véhicule devant elles ne va pas assez vite ou lorsqu'elles se font couper, lorsqu'elles attendent trop longtemps en ligne, lorsque le repas n'est pas prêt à temps, lorsqu'un commis se montre rigide ou lorsqu'un employé n'a pas suivi les directives. Elles ne sont pas fâchées, mais furieuses, enragées et hors d'elles-mêmes. Évidemment, c'est une question d'intensité de colère. Être irrité ou bougonner, c'est une chose. Crier, injurier, jurer et pester, c'est autre chose. Devenir violent, être enragé, faire une colère noire, comme dirait le Capitaine, convergent vers un état pathologique.

La fréquence est également une variable qui doit être considérée dans le diagnostic d'une colère pathologique. Les colériques se fâchent souvent et dirigent leur colère contre eux-mêmes, contre des objets, des animaux et des humains. Certains enfants retiennent leur souffle, s'arrachent les cheveux, donnent des coups de tête contre le mur. Certains adultes se frappent et se blessent, donnent des coups de poing ou de pied dans le mur, se battent ou frappent les personnes qui les font fâcher. D'autres perdent totalement la tête et iront tuer le voisin parce qu'il a marché sur sa pelouse ou parce qu'il fait trop de bruit ou quelque chose du genre. Auquel cas, il s'agit donc de porter un diagnostic de trouble dit «explosif».

Le type A

Il fut un temps où les chercheurs prétendaient que certains types de personnalité étaient plus enclins aux maladies coronariennes. En effet, ils avaient trouvé que la personnalité de «type A», c'est-à-dire des individus très compétitifs, agressifs, impatients, hyper-vigilants, avec un acharnement dans l'accomplissement et un sens chronique de l'urgence du temps, pouvaient être prédisposés aux crises cardiaques.

Cependant, au fur et à mesure que la recherche progressait dans ce domaine, ils ont réalisé que ce n'était pas la personnalité de type A qui prédisposait aux maladies cardio-vasculaires, mais plutôt la personnalité colérique ou à tendance hostile. Dans les milieux scientifiques, on appelle ce genre de personnalité le «type H». Ainsi, ce n'était pas le fait d'être compétitif ou impatient qui prédisposait aux problèmes coronariens, mais plutôt la colère. Somme toute, la colère excessive serait toxique pour le coeur.

Le type H

À l'Université de la Caroline du Nord, 255 étudiants en médecine ont été évalués par un questionnaire psychologique mesurant les tendances à la colère. Un suivi de 25 ans a permis de dire que les individus colériques avaient 4 à 5 fois plus de chance que les autres d'avoir des problèmes cardiaques. «Une trouvaille intéressante qui permettra de mettre l'accent sur la prévention», rapporte le Dr Redford Williams, directeur des recherches comportementales à l'Université Duke. Une autre étude, mais cette fois-ci portant sur des avocats, a démontré que 20% des avocats qui avaient été préalablement identifiés comme des types H sont décédés avant l'âge de 50 ans. La recherche sur le type H permet donc de cibler les personnes à risque pour maladies coronariennes.

La colère tue

Il faut savoir qu'à chaque année plus d'un million d'Américains et plusieurs milliers de Québécois sont frappés de crises cardiaques, et plusieurs d'entre eux en meurent. Les maladies cardio-vasculaires sont donc reconnues comme la principale cause de mortalité en Amérique du Nord. La recherche sur le type H et sur les facteurs de la personnalité associés aux maladies coronariennes permet à la fois d'identifier et d'intervenir auprès des personnes prédisposées. Le but de l'exercice, il va sans dire, est de réduire le taux de mortalité relié aux maladies coronariennes.

Tout le monde se fâche

Plusieurs études montrent que les femmes se fâchent aussi souvent que les hommes, soit à une fréquence moyenne d'environ 6 fois par semaine. Par contre, selon le Dr Anne Campbell, psychologue et chercheur à l'Université Durham en Angleterre, les femmes ont plus tendance que les hommes à pleurer ou à exprimer en privé leur colère, alors que les hommes ont plus tendance à exploser. Par contre, suite à une colère, les femmes ont tendance à avoir honte et à se dire qu'elles ont perdu le contrôle alors que les hommes ont tendance à se dire: «Cela lui apprendra!». Même si la femme paraît plus sage que l'homme, la colère est autant néfaste.

Maîtriser sa colère

Il est quasiment impossible de vivre sans exprimer l'émotion de la colère. Par contre, il y a un monde entre se fâcher face à une injustice et être colérique pour tout et rien. Sachez que vous pouvez apprendre à maîtriser la colère. Voici quelques petits conseils qui pourront vous aider: D'abord, lorsque vous vous fâchez, essayez de prendre quelques secondes pour vous questionner. Est-ce vraiment grave au point qu'il est absolument nécessaire de se fâcher? Est-ce que la colère est vraiment justifiée? Est-ce que la colère risque de changer quelque chose? Si la réponse à une de ces questions est oui, fâchez-vous, cela risque de vous faire du bien. Si la réponse à une de ces questions est non, parlez-vous et dites-vous qu'il vaut mieux essayer de vous détendre et de vous calmer. Motivez-vous en vous disant que votre santé est plus importante qu'une vaine colère. Le simple fait de vous questionner peut vous permettre de relativiser l'événement et désamorcer la colère. Aspirez profondément par le nez et expirez doucement par la bouche.

Évidemment, si vous êtes colérique, vaut mieux consulter pour vivre plus longtemps et sourire plus souvent. Sachez qu'il existe des interventions spécialisées qui permettent de mieux gérer la colère. Le jeu en vaut la chandelle, car les colériques sont plus malheureux qu'heureux!

Lectures suggérés :

Allen, M. Angry Men, Passive Men: Understanding the roots of men's anger & how to move beyond it. Fawcett Columbine, 1993

Cullen, M., Freeman-Longo, R. , Men & Anger: Understanding and Managing Your Anger for a Much Better Life. A man's anger doesn't have to be out of control. This book will help you understand your anger. And, by using exercises and worksheets at the end of each chapter, you'll learn to effectively reverse destructive behavior patterns to prevent such disastrous consequences as damage to relationships, self-loathing, destruction of property, loss of job or injury. In this newly expanded edition, the authors have added an important chapter on self-esteem, enhancing a supremely practical guide with yet another tool for transforming a man's experience. Safer Society Press, 1996

Donovan, F. Dealing With Your Anger: Self-help solutions for men using self-awareness, communication, and negotiation to overcome fear, insecurity and rage. The author offers help - without offering excuses - for dealing with the outbursts of violence and the risk of harm that can result from uncontrolled anger, especially male anger. The author helps men to recognize their anger signals, solve their anger problems, and eliminate anger-driven violence. This practical book focuses on emotional healing, behavior control and real change. As a man, you will learn to identify what happens when you become angry and lose control. Techniques such as the Emotional BioScan for Anger and the Persoannl Anger Monitor allow you to identify signs of anger and learn how to manage it. This book gives you the tools you need to release rage, fear, and insecurity and open the door to self-analysis, communication and negotiation. Hunter House, 2001 (ISBN 0-89793-344-3)

Harbin, T.J. Beyond Anger: A guide for men. How to free yourself from the grip of anger and get more out of life. It's not a new idea that men tend to express their anger differently than women do. Years of research have shown that men - for many different and complex reasons - are often more violent and less willing to confront and deal with their emotions than women. Now, this book shows the angry - and miserable - man how to change his life and relationships for the better. The author helps men understand their anger by explaining what the specific symptoms of chronic anger are and by showing angry men how their actions negatively affect family, friends and co-workers. He offers simple exercises - developed especially for men - that will help men to control their violent feelings, identify when and why they get angry, and to form new habits to prevent anger before it starts. Women, too, will learn essential strategies for understanding and helping the angry men in their lives. Marlowe & Company, 2000 (ISBN: 1-56924-621-1)

Liens suggérés :

  • http://www.apa.org/topics/controlanger.html
  • http://wholechild.net/index.htm : This is the web site for the Whole Child/Adolescent Center that provides varied information about psychological issues and teenagers.
  • www.apa.org : This is the web site for the American Psychological Association and includes access to the APA Monitor Online, an informative web journal.
  • www.innergames.com : This web site contains games that can be used in a counseling setting when one is working with students to help them understand and manage their anger and other issues.
  • www.ncpc.org : This is the web site of the National Crime Prevention Council, known for the McGruff Crime Prevention Dog has an extensive list of resources for young people and their parents and professionals working with teens on violence prevention and health promotion. The council produces much more than just McGruff.

Préparé par le Dr Michel R. Campbell, psychologue et sexologue

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